La production d'énergie par l'intégration de cellules photovoltaïques souples dans les textiles séduit de plus en plus les professionnels et les industriels. À l'initiative de cette technologie sans équivalent, une start-up française créée en 2014.
Le brevet repose sur l'encapsulage de films photovoltaïques type 65 microns (combinés ou non avec un film prismatique), l'utilisation de films PV sur façade et celle de films "oled" pour la diffusion.
Située à Mandelieu-la Napoule, dans les Aples-Maritimes, Solar Cloth System est le fruit d'une longue expérience dans les domaines du nautisme et de l'innovation. Au début des années 1990, son fondateur, Alain Janet, décide de faire de sa passion pour la mer un métier. Il monte une voilerie et se spécialise dans les courses. Passionné de technologie, ce diplômé de Sciences-Po se fixe ensuite un défi : mettre au point une voile indestructible. Son entreprise se lance dans la fibre encapsulée, une technique qui lui permet d'intégrer divers matériaux(1) entre plusieurs couches de textile.
« Nous laminons le tissu sous vide. Puis les voiles sont cuites dans un four de 13 mètres de long. Une fois thermofusionnées, elles deviennent ultrarésistantes et quasiment indéformables », explique-t-il. Après quelques années de travail, ce procédé inédit est testé lors de la Coupe de l'America 2007, avant de devenir un produit standard.
Fort de ce pari réussi, Alain Janet poursuit son idée, cette fois en imaginant un tissu laminé capable de récolter et de stocker l'énergie solaire, avec, à la clé, un gain en autonomie énergétique et un impact environnemental non négligeables. Il crée Solar Cloth System et s'oriente vers l'encapsulage de films photovoltaïques fins et souples de type CIGS(2). Ces derniers ont en effet l'avantage de capter la lumière sous plusieurs angles et de récupérer une partie de la réflexion, même par temps nuageux. Reste à savoir s'ils sont capables de résister à la navigation en haute mer (claquements, UV, sel, orages…).
Le premier test grandeur nature a finalement lieu lors de l'édition 2014 de la Route du Rhum. Le Défi Martinique réalise alors l'exploit de finir la course et, surtout, les patchs PV(3) (grillagés et encapsulés avec du kevlar noir) tiennent le choc. «Ni corrosion, ni infiltration. La lamination est restée étanche. J'avais pourtant des craintes, surtout au niveau des soudures », avoue Alain Janet avec un certain soulagement. Il n'en fallait pas plus pour attirer les demandes de chantiers navals (Finlande, Italie, Angleterre, Etats-Unis). Appuyée par un partenariat avec le CEA Tech(4), la technologie brevetée par Alain Janet a ainsi permis l'émergence d'une nouvelle génération de voiliers "zéro émission", équipés de moteurs électriques, de batteries lithium et d'un maximum de capteurs solaires.
Les fabricants de catamarans seraient eux aussi intéressés par cette approche originale. Il faut dire que l'enjeu est tout autant écologique qu'économique(5).
En outre, cette aventure a permis à Solar Cloth System de lancer des projets au-delà du nautisme, à commencer par un sac à dos et une tente pour Millet, le spécialiste français de la randonnée. L'entreprise travaille également sur un prototype de gilet à led (avec interrupteur automatique à sel) pour un fabricant de vêtements marins. Mais depuis quelque temps, Alain Janet voit surtout s'ouvrir des perspectives inattendues. C'est notamment le cas des serres-tunnels autonomes. Équipées d'un tissu PV(6), ces installations (démontables en 30 minutes) sont en mesure de fournir 3,7 kW(7), alimentant ainsi le pompage, l'irrigation et l'éclairage des serres.
Ce type de projet est d'ores et déjà initié en région Provence-Alpes-Côte d'Azur pour l'agriculture biologique, mais il pourrait aussi intéresser les pays souffrant d'un défaut d'autonomie alimentaire. Et les applications sont nombreuses, comme le rappelle Alain Janet : «Je me suis rendu compte que notre procédé pouvait avoir un véritable impact sociétal qui n'a plus rien à voir avec le fait de mettre des films PV sur des bateaux. Il est possible de les placer sur les tentes de réfugiés, pour les chauffer, les éclairer et récolter l'eau, mais aussi sur n'importe quelle surface de protection, même une bâche de piscine. »
L'intégration de films prismatiques verticaux est également l'une des voies les plus prometteuses. Ce système pourrait en effet rendre efficace une façade d'immeuble correctement exposée, afin d'alimenter des panneaux "oled", led organiques. Mais face à ces nouveaux défis, la PME doit évoluer et moderniser son outil de production. Alain Janet a donc lancé fin janvier une ambitieuse levée de fonds, auprès d'investisseurs tels que la région PACA et la BP(8). Soutenu par l'École des mines et la fondation Sofia-Antipolis, son projet peut également compter sur Maurice Pinault, numéro deux de Zodiac Aerospace et actionnaire de la "petite" entreprise.
(1)Fibres de carbone, cellulose, films polymères.
(2)Cuivre, indium, gallium et sélénium.
(3)Patchs encapsulés PowerSail, exclusivement destinés aux voiles.
(4)La branche "Accélérateur d'innovation pour l'industrie" du CEA.
(5)Avec un rendement de 12 à 14 %, la puissance disponible est d'environ 100 Mn'.
(6)50 xl m (en sections reliées par des connecteurs).
(7)Selon une étude du CEA Tech.
(8)Banque publique d'investissement.