En associant l'énergie du soleil à celle du vent, les navires de demain pourraient voguer à pleine puissance sans polluer, voire se transformer en centrales électriques.
Les océans de notre planète recèlent un potentiel énergétique infini, non seulement dans leurs profondeurs, mais aussi à leur surface, que les rayons du soleil frappent inlassablement. En deux heures, la Terre reçoit suffisamment d'énergie solaire pour subvenir aux besoins en électricité de toute l'humanité pendant un an. Cette manne énergétique intarissable et propre est en majorité accaparée par les mers, qui représentent 71 % de la surface du globe.
Pour sillonner les eaux bleues de manière écologique et fiable, sans être tributaire de la bonne volonté des vents, il existe donc une solution : équiper les bateaux de panneaux photovoltaïques. Les designers sont de plus en plus nombreux à le comprendre, qui imaginent des voiliers d'un nouveau genre, capables de capter aussi bien les alizés que l'énergie du soleil.
De nouvelles chimères ? Loin de là. Un navire a déjà prouvé la viabilité de cette idée : entre 2010 et 2012, le Tûranor PlanetSolar, un catamaran 100% solaire, sans voile, piloté par l'explorateur suisse Raphaël Domjan, a réussi à boucler un tour du monde sans émettre le moindre rejet de substance polluante.
Ce géant des mers, d'une envergure de 23 mètres pour une longueur de 35 mètres, est le plus grand bateau solaire au monde. Recouvert de panneaux photovoltaïques, il peut capter les rayons du soleil sur une surface de 512 mètres2.
Le surplus d'électricité produit est stocké dans une énorme batterie de huit tonnes, située dans les flotteurs. «Le Tûranor dispose d'une capacité de stockage de 1 mégawatt/heure, détaille Pascal Goulpié, PDG et cofondateur de PlanetSolar, la société à l'origine du projet. Cela nous permet de naviguer trois jours sans soleil. » Le Tûranor peut ainsi soutenir une vitesse moyenne de 6 noeuds (11 km/h) en totale autonomie énergétique. Comme un symbole, il remontera la Seine en décembre prochain, lors de la conférence Paris Climat 2015 (COP 21). « Le bateau solaire concilie les avantages de deux types de navire: il est propre comme un voilier et fiable comme un bateau à moteur », se réjouit Pascal Goulpié.
Naviguer grâce à l'énergie solaire obligera toutefois les marins à changer quelques-unes de leurs habitudes. « C'est une nouvelle stratégie de navigation, relève Pascal Goulpié. Il faut trouver le soleil et modifier sa route en fonction de lui. » Si un navire solaire n'est plus dépendant de la force des vents pour déterminer sa route, il doit s'adapter à un autre impératif météorologique : progresser sous un ciel suffisamment dégagé pour recharger ses batteries.
C'est pourquoi le Tûranor dispose à son bord d'un logiciel de navigation qui calcule la route idéale en fonction des conditions météorologiques et des zones d'ensoleillement.
Trouver le soleil pourrait d'ailleurs devenir le principal objectif de ces bateaux d'un nouveau genre. Délaissant leur vocation de transport d'équipage, ces navires pourraient avoir comme unique fonction de produire de l'électricité grâce à l'énergie solaire.
C'est l'idée du concept Solar Sail Drone, inventé par le designer britannique Phil Pauley. Ce petit drone marin automatisé serait entièrement recouvert, sur sa coque et sur sa voile, de panneaux photovoltaïques.
En circulant sur les flots, il produirait également de l'énergie grâce à des turbines hydroélectriques. « Une fois sa batterie chargée, le Solar Sail Drone retourne à son port d'attache, où elle est remplacée », indique Phil Pauley. Une idée d'avenir pour produire de l'énergie 100 % renouvelable. Mais tous ces ambitieux projets ne sont pas près d'accoster dans les ports de plaisance. « Le marché des bateaux électrosolaires a encore du mal à décoller, admet Pascal Goulpié, mais ça va venir. » Bon vent !
En novembre 2014, au départ de la Route du Rhum (Saint-Malo - Pointe-à-Pitre), un des navires participants embarquait une drôle d'innovation : le Défi Martinique intégrait sur sa grand-voile des panneaux photovoltaïques capables de produire de l'électricité.
D'une surface totale de 6 m2, ces panneaux en fibre souple ont produit jusqu'à 1 kilowatt. Arrivé en dixième position, le navire, barré par Daniel Ecalard, a pu assurer ses besoins en électricité uniquement grâce à sa voile solaire, développée par la société française Solar Cloth System.
Source : Le Parisien